La relégation, le changement d’entraîneur, l’avenir… A l’issue d’une saison plus que compliquée, Vincent Momper, le président du Sélestat Alsace Handball, a accepté de dresser un large éventail de l’actualité du club.DNA : Une saison difficile vient de s’achever au SAHB. Comment l’avez-vous vécue en tant que président ?
F.E Une saison difficile vient de s’achever au SAHB. Comment l’avez-vous vécue en tant que président ?
Vincent Momper : C’est assurément la plus difficile depuis que je suis président. La fin de saison dernière avait déjà été compliquée, nous avions eu du mal à nous maintenir. Cette saison, au vu du recrutement, on avait une des meilleures équipes jamais vues à Sélestat. On pensait passer une année tranquille et regarder davantage vers le haut que vers le bas… On ne s’attendait tellement pas à vivre une telle saison que c’est deux fois plus difficile. C’est aussi ce qui fait la beauté du sport : il n’y a jamais de certitudes. Malheureusement, c’est une mauvaise surprise pour nous et personnellement, une année vraiment noire car j’ai dû être opéré en raison d’une hernie discale.
« Je suis persuadé qu’en changeant d’entraîneur plus tôt, on aurait pu espérer mieux »
Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ?
VM: La mayonnaise n’a jamais pris, mais on est tous responsables, moi le premier. Je ne me défausse pas, j’assume l’échec. On a aussi dû faire face à de nombreuses blessures, touchant des joueurs cadres.
La décision de se séparer de Jean-Luc Le Gall à la reprise de la trêve hivernale a surpris. Avec du recul, pensez-vous qu’il y a eu une erreur de timing ?
VM: On s’est peut-être trop longtemps accroché à Jean-Luc… On espérait vraiment s’en sortir avec lui, surtout après les sept belles années qu’on avait passées ensemble. Ces émotions créent des liens et il est difficile de faire abstraction du côté affectif. Mais ça fait partie de la vie d’un club sportif qui, aujourd’hui, se gère comme une entreprise. Il faut parfois faire des choix. Les joueurs ressentaient aussi de la lassitude d’avoir eu aussi longtemps le même entraîneur, ce qui est humain.
Le bilan de Christian Gaudin (2 victoires en 14 rencontres) est pourtant pire que celui de Jean-Luc Le Gall (4 victoires en 15 rencontres)…
VM: Je suis persuadé qu’en changeant d’entraîneur plus tôt, on aurait pu espérer mieux. Christian est arrivé tard, au moment où plusieurs joueurs cadres se sont blessés. C’était presque mission impossible. J’y ai pourtant cru jusqu’au bout même si je savais qu’il serait difficile d’enrayer la spirale négative.
« Dire qu’on veut remonter, c’est crédible »
A l’arrivée, le SAHB finit 13e sur 14, très loin du 12e. Sélestat a-t-il le niveau pour évoluer durablement en LNH ?
VM: J’ai toujours dit que le SAHB en D1, c’était un petit miracle. On a vu cette saison qu’il y avait une part de vérité même si en 25 ans, Sélestat a connu plus de hauts que de bas. Il faut qu’on arrive à conserver l’esprit familial qui nous caractérise en rajoutant une dose de professionnalisme. L’équilibre est difficile à trouver mais pas impossible. A une autre échelle, Kiel (Allemagne) a su le faire. Christian Gaudin a justement cette culture, qu’il peut imprégner au club. Nous avons un genou à terre, mais il va falloir rebondir.
Le SAHB aura-t-il les moyens de remonter en LNH la saison prochaine ?
VM: Le recrutement n’est pas terminé* mais on affiche clairement l’ambition de retrouver la D1 l’an prochain, au plus tard dans deux ans. Nous n’aurions pas pu, pour des raisons financières, conserver les joueurs qui sont partis. Nous allons nous appuyer sur des joueurs cadres comme Jung, Beauregard, Fleurival, Joli et Vujic et promouvoir les jeunes que sont Yanis Lenne, Rudy Seri, Julien Meyer ou Thomas Gaudin. Nous allons compléter l’effectif avec des joueurs aguerris, même si on sait qu’il est plus difficile de recruter pour la D2 que pour la D1. Mais les joueurs savent que Sélestat a la culture de la D1. C’est un argument, tout comme la présence de Christian Gaudin en est un. C’est pourquoi dire qu’on veut remonter, c’est crédible.
Le budget est-il déjà bouclé pour la saison prochaine ?
VM: Il devrait passer de 2 000 000 € à 1 500 000 €. Même si notre masse salariale devrait baisser de 20 à 30 %, nous devons faire face, outre la baisse des droits télés, à une forte baisse des subventions publiques (seule la Ville de Sélestat s’est engagée à maintenir sa subvention actuelle pendant encore un an), liées non seulement à notre régression sportive, mais aussi à l’état des finances publiques.
« Le Département baisse sa subvention de 160 000 € à 12 000 € »
VM: Le Conseil départemental vient de nous annoncer que la subvention passerait de 160 000 € à 12 000 € la saison prochaine. On savait que ça allait diminuer, mais pas dans ces proportions. Quant à la Région, nous attendons les chiffres mais sa subvention devrait passer de 400 000 € à 250 000 €, sachant qu’une partie est dévolue à notre centre de formation.
Cela signifie-t-il que l’avenir du centre de formation est menacé ?
VM: Non, la formation est essentielle pour nous, il ne faudrait pas qu’elle disparaisse. Le centre de formation a un coût, mais on trouvera toujours des solutions pour qu’il tourne, quitte à impacter le budget de l’équipe pro.
Vos principaux partenaires restent-ils fidèles malgré la descente ?
VM: Chaque année, il y a un renouvellement parmi les 150 partenaires privés que nous comptons et qui, pour moi, sont aussi importants les uns que les autres, au-delà de l’aide qu’ils peuvent apporter. Mais, pour répondre à votre question, personne ne quitte le navire. Nos partenaires sont aussi et surtout des supporters, qui sont là dans les bons moments comme dans les moments difficiles.
Le label LNH (DNA du 3 mai) montre que le SAHB est structuré, mais fragile. « Les perspectives pour faire mieux passent par une augmentation de la surface financière », conclut le rapport du label. Comment faire ?
VM: On est fragile, oui, et l’annonce du Conseil départemental nous fragilise encore un peu plus. Alors on travaille beaucoup et il faudra travailler encore plus. On sème, on sème, et parfois, on récolte. Pour trouver un partenaire, il faut plusieurs facteurs : être au bon endroit, au bon moment. Pour certains, ça n’est pas le moment aujourd’hui mais ça le sera peut-être demain… Certains ont mis dix ans avant de s’engager.
« La visibilité n’est qu’une partie de ce qui peut intéresser une entreprise »
Le SAHB aura plus de mal à trouver des partenaires en évoluant en D2...
VM: La visibilité, ça n’est qu’une partie de ce qui peut intéresser une entreprise. À côté, il y a aussi l’hospitalité. Quand une entreprise nous envoie un de ses clients, elle sait qu’il passera un bon moment car les prestations qu’on propose les satisfont. Aujourd’hui dans le sport professionnel, c’est plus qu’un match qu’on regarde, c’est une soirée qu’on passe. L’objectif, c’est que quelque soit le résultat, on passe une bonne soirée. Et ce n’est pas parce que nous sommes en ProD2 que les prestations seront de moins bonne qualité.
Certaines “soirées” auront-elles lieu au Rhenus la saison prochaine ?
VM: Probablement pas : remplir le Rhenus en ProD2, ça me paraît compliqué. La seule affiche qui pourrait nous le permettre, c’est face à Mulhouse. Mais est-ce que jouer un derby Sélestat-Mulhouse à Strasbourg aurait un sens ? Je ne suis pas sûr…
Mulhouse, justement, rate la dernière marche de la D1 depuis quelques années. Le SAHB, lui, y joue régulièrement le maintien. Pour s’installer durablement en D1, l’avenir ne doit-il pas s’écrire à deux ?
VM: L’Est de la France mérite une équipe en D1 ; or, je constate que l’an prochain, il faudra faire 400 km pour voir de la D1. Un projet de rapprochement avec Strasbourg a échoué il y a trois ans, mais il va falloir sérieusement creuser cette piste, surtout quand on voit qu’Ivry et Chartres, promus en D1 la saison prochaine, présenteront des budgets de 2,8 et 3 millions d’euros. Remonter en D1 avec un budget de 2M € d’euros, comme cette année, ne serait plus suffisant.
« Un rapprochement ? Je pense que ça devient tout doucement urgent »
Avec Strasbourg plutôt que Mulhouse alors ?
VM: Ce serait plus plausible même si je ne suis fermé à rien. En tout cas, il ne faudrait pas une fusion des clubs, mais un rapprochement des équipes professionnelles. Ça nous permettrait aussi de fédérer plus facilement les entreprises. Peut-être que la prochaine fois sera la bonne…
On a l’impression d’entendre ce discours chaque année ou presque…
VM: Je pense que ça devient tout doucement urgent. Il va de toute façon falloir trouver des solutions si on veut pérenniser le club en D1, sachant que pour Sélestat seul, ce sera très compliqué voire impossible, même si impossible n’est pas alsacien.
* Quatre recrues ont été enregistrées depuis l’entretien.
Source Dna