Cela
fait grosso modo 20 ans qu'il fait partie du paysage. Pas en toile de
fond, au premier plan, tout devant. Vingt ans que Francis Franck fait
l'actualité, autant par ses performances qu'en raison d'un caractère
bien trempé. Normal, le garçon est gardien de but...
Les petits gros, le grand et sec
Vingt
ans donc, mais pas un de plus. A 40 ans - il est né le 17 mars 1970 à
Saint-Avold -, le Sélestadien a décidé de tourner la page. De mettre fin
à une carrière qui, forcément, en fera rêver plusieurs.
Comme rien
ne pouvait être banal s'agissant de Francis Franck, tout débuta sur un
malentendu. « J'ai fais mes premiers pas sur un terrain à sept ans et
demi. Six mois plus tard j'étais gardien. A l'époque, on avait tendance à
faire jouer les petits gros dans le but. Moi, j'étais déjà grand et
sec. » Premier match, et quatre penalties arrêtés...
Le début d'une
belle et longue carrière qui allait mener le Lorrain de l'ASPTT Metz au
SMEC lorsque les "postiers" se décidèrent à ne miser que sur les filles,
puis dans la région parisienne que Francis Franck rejoint à 22 ans.
Ce
fut Saint-Brice (et la montée en D1), l'USM Gagny avec laquelle il
disputa son premier EuroTournoi en 1994, et Pontault-Combault.
56 sélections, le bronze au Japon
C'était
écrit, c'est sur un autre concours de circonstances que tout s'emballa.
Parti à Créteil pour n'y être que troisième gardien, c'est pourtant lors
de la saison 1996/1997 que le talent de l'Alsacien naturalisé parce
qu'accepté put pleinement s'exprimer.
« Il y avait, devant
moi, Damien Pellier et Christophe Lassaut. Le premier se blesse
d'entrée, le deuxième aussi quelques matches plus tard. Me voilà premier
gardien parce que le seul... Et Daniel Costantini qui m'appelle en
équipe de France ! »
L'histoire s'accélère pour Francis
Franck qui fête sa première sélection aux Jeux méditerranéens.
Cinquante-cinq autres suivront marquées, entre autres, d'une médaille de
bronze aux Mondiaux japonais de 1997.
Passé au PSG-Asnières (c'est à
cette époque, à l'occasion d'un match à rejouer face au Racing, qu'il
rencontre Joëlle, la Lutzelhousoise future mère de Morgane et Clément,
ses enfants) puis en Allemagne, à Friesenheim - « une expérience, un
choix de confort et un challenge de plus » -, Francis Franck débarque à
Sélestat en 2003.
« A 33 ans, le besoin de préparer l'après
handball m'a décidé. Je n'avais, professionnellement, rien, aucun
diplôme, aucun outil, aucune expérience. Là, j'avais l'occasion de
revenir chez moi ou presque, d'encore jouer et de me projeter vers
l'avenir. »
« Tu portes des œillères quand tu pratiques le sport de haut niveau »
Sélestat
lui offrit effectivement l'opportunité d'assurer un avenir autre
qu'handballistique. Le temps d'un stage à la BDE des amis Chouissa, d'un
autre à Sport 2000, Francis Franck découvre - en même temps qu'il fait
le bonheur du SCS, du SAHB pour finir - le métier de commercial, à
Colossal d'abord, chez Arlogis pour finir.
« De m'ouvrir au
vrai monde m'a permis de vraiment m'enrichir. Tu portes des œillères
quand tu pratiques le sport de haut niveau. Ces expériences
professionnelles m'ont permis de m'ouvrir sur tout ce qui fait la vraie
vie. C'est usant de concilier sport et formation, mais tellement riche.
Vraiment, je remercie tous ceux qui m'ont permis de passer d'une vie à
l'autre, comme ça, en douceur. »
« Je sais la chance que j'ai eue »
Francis Franck s'en est donc allé au
soir d'un match à Nancy, le 30 mai dernier, au terme d'un énième match
de haut niveau. Le cœur gros, mais l'esprit libre.
Heureux
d'une carrière pleine et épargnée -« j'ai toujours eu peur d'une
blessure que je n'ai jamais eue » -, fier d'un parcours irréprochable.
Reconnaissant aussi pour ceux lui ayant fait confiance, les dirigeants
sélestadiens en premier lieu.
« Sélestat est un club à part, comme il en existe très peu en
France. Le hand fait partie du patrimoine de la ville, chacun sent, dans
l'équipe, la responsabilité qu'il porte, chacun sait ce que nos supporteurs donnent et ce qu'on doit leur rendre. On est obligé de se battre chaque samedi, bien ou mal, mais de se battre.
« Si Créteil m'a apporté les résultats, si jouer au PSG de l'époque a été valorisant, Sélestat est définitivement le club qui m'a le plus marqué. Au niveau de l'environnement comme à ceux du cadre de vie et du plaisir. »
Francis
Franck sait de quoi il parle quand il évoque le cadre de vie. Parce
que, fils de mineur (son papa s'en sortit en réussissant un concours lui
ouvrant les portes de la police nationale), il aurait pu, lui aussi et
tout comme son cousin, vivre sa vie 800 mètres sous terre.
«
Mes parents d'abord, le hand ensuite, m'ont permis d'y réchapper et ça
n'a pas de prix. Je sais la chance que j'ai eue de faire de ma passion
un métier, de vivre de telles expériences et de rencontrer des gens
uniques. »
« Chaque match que j'ai joué est un souvenir »
Un des
meilleurs gardiens de but que le hand français a connu a ainsi décidé de
tourner la page. Mais pas de fermer le livre. Pas possible pour un
garçon qui en a écrit tant de beaux paragraphes.
S'il a rangé ses baskets, Francis Franck ne renie rien. « Chaque match que j'ai joué est un souvenir. J'ai débuté le handball en m'amusant, je l'ai quitté en m'amusant.
Il y a souvent eu des obligations de résultats, mais jamais je n'ai
oublié la notion de plaisir. Je ne regrette rien, surtout pas mes choix.
Là, tout de suite, je vais prendre le temps de souffler, celui de
réfléchir. Mais c'est évident, le hand n'en a pas fini avec moi. »
Pour preuve, même si sa décision de ne plus jouer est bel et bien prise, Francis Franck a demandé à Jean-Luc Le Gall de pouvoir s'entraîner une ou deux fois par semaine. Et le Lorrain s'interroge sur sa future implication dans le monde du hand.
« L'image d'un garçon qui ne s'est jamais caché, qui n'a jamais triché »
« C'est clair, ma carrière de joueur s'est achevée à Sélestat. Mais j'ai malgré tout un engagement moral avec le club. M'y impliquer me tenterai assez, mais je ne sais pas encore à quel niveau. »
Une bonne nouvelle pour Vincent Momper et les siens tant leur
ancien gardien a encore des choses à apporter à un club auquel il croit.
« Il faut que Sélestat mobilise, centralise et attire. Il y a un
problème financier, donc économique, à régler, mais je crois en
Sélestat, à ses facultés à côtoyer le plus haut niveau. »
Il
veut tenter l'aventure, d'une autre façon. En inculquant, par exemple,
aux plus jeunes cet état d'esprit qui l'a toujours fait avancer.
« Gamin, je me suis lancé dans une aventure, entraîné par un "truc"
que je n'étais pas sûr de pouvoir maîtriser. La passion m'a guidé, elle
m'a permis d'aussi bien vivre la vie qu'il m'a été donné de vivre. Je
le répète, je n'ai aucun regret. Un manque, peut-être, celui de ne pas
avoir participé aux Jeux olympiques... »
Pas de regret, juste
un souhait : « Au bout du compte, j'espère qu'on gardera de moi l'image
d'un garçon qui ne s'est jamais caché, qui n'a jamais triché... » Mais
qui pourrait penser le contraire ?
A.V.
Né : le 17 mars 1970 à Saint-Avold (Moselle).
Clubs :
ASPTT Metz,
SMEC,
De 1992 à 1994: Saint-Brice
De 1994 à 1995: Gagny
De 1995 à 1996: Pontault.-ComBault (LNH)
De 1996 à 1997: Créteil (LNH)
De 1997 à 2000: PSG (LNH)
De 2000 à 2003: Friesenheim (All D1)
De 2003 à 2007: Sélestat (LNH)
De 2007 à 2009: Mulhouse (D2)
De 2009 à 2010: Sélestat (D2)
Palmarès :
vice-champion de France et vainqueur de la Coupe de France en 1997 avec
Créteil, élu meilleur gardien de D1 en 1999, élu meilleur gardien de D2
en 2009, 56 sélections en équipe de France (médaillé de bronze aux
Mondiaux-1997 au Japon, 5e de l'Euro-1998, 5e des Mondiaux-1999).
Source des DNA